15 août : le triste anniversaire de l’oppression des femmes et des filles en Afghanistan

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Je suis une fille de 11 ans, ce matin, la porte de l’école s’est refermée pour toujours.

Femmes effacées, sans voix, sans regard sur le monde, sans soleil, femmes plongées dans le noir, leurs rêves emprisonnés, les murs s’élèvent toujours plus hauts contre la liberté. Chaque rivière d’Afghanistan recueille leurs larmes, le chagrin immense, une douleur indicible. 

Tout se brise le 15 août 2021, le triste anniversaire. Les Taliban entrent dans Kaboul. La panique envahit les esprits, les corps tremblent. Peut-on imaginer l’ampleur de la peur, le déchirement des millions de femmes quand la liberté s’éteint, laissant place au long temps du deuil ?

L’incompréhensible obscurité avance, et comment pourrions-nous comprendre la cruauté, celle qui abat le droit de vivre, qui impose la survie ? Le chaos politique et religieux étouffent le monde. La nature elle-même tremble sous les vagues de chaleur extrême qui inondent la terre d’Afghanistan. 

Tout bascule dans la tristesse. Les cœurs arides brûlent les sols, l’eau rare ne verse plus de larmes. L’homme a usurpé le contrôle du temps. La nature souffre comme une femme, les murs de sable se dressent autour de nos sociétés, les mensonges politiques ont volé la liberté. L’Occident porte-t-il aussi une part de responsabilité ? Le malheur de l’Afghanistan n’a-t-il qu’un seul coupable ?

Les femmes opprimées dans le monde, qu’ont-ils fait de la justice, les puissants ? Elle pleure chez nous et là aussi, l’eau salée coulant de ses yeux se perd sur les sols arides. La justice est une femme, elle crie au feu de ses blessures. Femmes interdites de vivre, de penser, d’avancer, de paix, de liberté… Je ne peux écrire que la suite des oppressions qui parcourt le monde, se faisant particulièrement terribles en Afghanistan. Mais quel exemple l’Occident laisse-t-il à ses frontières, si ce n’est une femme maltraitée, humiliée, abandonnée sans justice, sauf celle qui brille en elle, son âme veillant encore. 

Les Taliban ont imposé plus de 70 lois et pratiques contre la liberté des femmes. Ils ont brisé des années de progrès pour les droits des femmes et des filles en Afghanistan. 

Interdites d’aller à l’école après l’âge de 11 ans, les filles se heurtent aux portes fermées. Un matin, la loi l’a décidé : la porte de l’école ne s’ouvrira plus jamais pour elles. Elles deviennent les enfants de l’ombre, déjà effacées, marchant vers un avenir où seul l’espoir peut porter leurs rêves. 

Les femmes et les filles d’Afghanistan ont besoin de chacun pour porter leur voix. Elles ont besoin de voir le jour se lever à nouveau, d’être protégée de l’obscurité, de pouvoir marcher libres dans la rue, d’être présentes dans les lieux publics. 

Effacées en tant que femmes, elles n’ont pas le droit de faire du sport, d’étudier, de travailler, ou même d’entrer dans des lieux publics. Elles n’ont pas le droit de marcher seules, de voyager, d’aimer, de rêver. Privées de vie sociale, professionnelle, culturelle, artistique, sportive, leurs droits humains fondamentaux sont gravement bafoués. 

Femmes effacées, elles n’ont pas de prénom, et rien d’elles ne sera inscrit. Identité effacée, visage caché, corps disparu, esprit en grande souffrance – femmes opprimées. Jamais le monde n’a conçu une telle prison pour les femmes. 

Enfermées dans leur maison, les longues journées de détresse s’étirent, les heures s’écoulent en douleur, les larmes incessantes, les pleurs de souffrance déchirent l’humanité.

Notre monde a un besoin vital de justice, de liberté, d’égalité, d’anéantir les oppressions. Les droits des femmes doivent être hautement respectés. L’humanité ne peut se concevoir sans son unité, sans l’égalité, sans ce qui la constitue pleinement. 

Je suis une fille de 11 ans, ce matin, la porte de l’école s’est refermée pour toujours 

L’Afghanistan est actuellement le seul pays au monde à interdire strictement l’accès à l’école aux filles à partir de l’âge de 11 ans.

Elles sont totalement exclues de l’enseignement secondaire et universitaire. Les femmes ne peuvent pas non plus suivre des formations professionnelles, reprendre des études, acquérir des connaissances, réaliser un projet. L’accès à l’autonomisation, à l’entrepreneuriat leur est tout simplement interdit. 

« L’Afghanistan est aujourd’hui le seul pays au monde à interdire l’accès à l’éducation aux filles de plus de 12 ans et aux femmes. Cette situation doit tous nous interpeller », déclare Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO. Le droit à l’éducation est fondamental, car il répond à un droit universel, ce qui est le bien commun à l’humanité, l’esprit. « Le droit à l’éducation ne peut souffrir d’aucune négociation et d’aucun compromis. La communauté internationale doit rester pleinement mobilisée pour obtenir la réouverture inconditionnelle des écoles et des universités aux filles et aux femmes », appelle-t-elle.

Trois années se sont écoulées après la chute de Kaboul, capitale tombée aux mains des Taliban, et les droits des femmes et des filles se sont assombris jour après jour.

L’UNESCO publie les nouvelles données informant qu’actuellement, au moins 1,4 million de filles sont arbitrairement privées d’école depuis 2021. Ce qui signifie que la privation d’enseignement pour les filles a amplement augmenté en trois ans. 

Ce sont 300 000 filles supplémentaires qui ont été privées d’école depuis le dernier décompte en avril 2023. Chaque nouvelle fille atteignant l’âge de 12 ans est désormais exclue des établissements d’enseignement. 

Ce constat s’aggrave avec l’ajout des filles déscolarisées avant la mise en place des interdictions. Aujourd’hui, ce sont près de 2,5 millions de filles privées de leur droit au savoir, à l’éducation, soit 80 % des Afghanes en âge d’aller à l’école.

L’avenir de millions de filles est en danger. Privées d’enseignement, prisonnières d’un système cruel, elles survivent, tandis que les traumatismes marquent toute une génération, ainsi qu’un pays entier, qui pourrait en subir les séquelles sur le long terme.

Des femmes luttent de toutes leurs forces pour défendre leurs droits et leur dignité, résistant ainsi à l’oppression. Mais les enfants grandissent dans un univers violent, profondément hostile envers les femmes. 

Les écoles primaires : fortement impactées par les interdictions à l’égard des femmes

L’école primaire n’est pas épargnée par les conséquences d’une politique mortifère d’injustices, accélérant également la pauvreté. Le nombre d’élèves inscrits dans le primaire a fortement baissé depuis 2021. En Afghanistan, dès 2022, il n’est plus que 5,7 millions de filles et de garçons scolarisés, contre 6,8 millions en 2019, selon les nouvelles données de l’UNESCO. 

Une société en souffrance socio-économique, des conditions de vie de plus en plus éprouvantes, dans un contexte de crise humanitaire et de crise climatique, avec des épisodes de sécheresses intenses, est aggravée par l’absence de justice et par l’autoritarisme. Cela brime et traumatise particulièrement les femmes et les enfants. De plus, une politique qui ne soutient pas la scolarisation, contribue à augmenter le travail des enfants et les mariages forcés. 

Il est également observé une chute des inscriptions à l’université, soit une baisse de 53 % du nombre d’étudiants inscrits dans les universités depuis 2021. L’UNESCO alerte sur l’effondrement des savoirs en Afghanistan, entraînant le déclin dans les domaines scientifiques et technologiques, médical, ainsi qu’une diminution de la culture et de la créativité. 

L’absence d’une jeunesse diplômée entraînera un fort ralentissement du développement du pays, aggravant ainsi la crise humanitaire et la pauvreté. 

Je suis une fille de 11 ans, l’école s’est refermée, aide-moi à l’ouvrir ! 

©️ONU

L’UNESCO a entendu l’appel de détresse des filles et des femmes d’Afghanistan et s’applique à y répondre de manière efficace par un plaidoyer international pour le retour de toutes les Afghanes à l’école. Un engagement pris avec ses partenaires et travaillant à développer des modes d’apprentissage alternatifs. 

Ouvrir les portes de l’école autrement, l’UNESCO a mis en place des programmes fondés sur l’interaction avec les communautés locale dans 20 provinces du pays.

Des enseignantes ne pouvant plus accéder à leur métier, l’Organisation renverse cet ordre injuste, et ce sont plus de 1 000 facilitateurs, dont 780 femmes, qui ont été formés pour dispenser des cours d’alphabétisation. 

Grâce à ce programme, ce sont déjà plus de 55 000 jeunes, dont une majorité de filles, dans près de 1 900 villages qui ont pu bénéficier de cette école différente. Un espoir relevé, mais « la tâche reste immense au regard du nombre de personnes déscolarisées », souligne l’UNESCO. 

L’Organisation attachée aux valeurs d’universalité, de l’école pour tous, développe ses initiatives pour l’éducation aux pays voisins, tels que le Pakistan, le Tadjikistan et l’Iran, en soutenant les populations afghanes déplacées et réfugiées. 

Une autre alternative est mise en place par l’UNESCO : l’enseignement à distance par la radio et la télévision. L’Organisation intervient dans le soutien aux formations et financements en direction de médias afghans soucieux de développer et de diffuser des programmes éducatifs. 

Exemple : La Begum Organization for Women a fondé en mars 2021, une radio, ainsi qu’une chaîne câblée en mars 2024. 

Les médias afghans, partenaires de l’UNESCO, ont diffusé ces contenus touchant une audience estimée à 17 millions d’Afghans. 

Apprendre, c’est un droit vital, et il permet à la résilience d’être plus forte, à renforcer le bien-être mental de toute une jeunesse afghane en détresse. Cependant, une solution temporaire ne peut devenir une norme permanente. Toute une jeunesse a le droit à un contact social, à des liens d’amitié, à une vie de classe, et ne peut rester isolée. L’UNESCO le rappelle, « rien ne peut remplacer l’éducation en personne dans une salle de classe. » 

La jeunesse afghane ne peut rester en souffrance, confinée. L’UNESCO appelle la communauté internationale à poursuivre sa mobilisation pour rétablir pleinement le droit à l’éducation pour les filles et les femmes en Afghanistan.

Fédora Hélène

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