Une championne mondiale face à l’inaction de la France : Alessia Zecchini plonge pour la Méditerranée

Photo by Alex St Jean

À Marseille, ce 3 juin, la championne du monde d’apnée Alessia Zecchini a réalisé une plongée symbolique dans les eaux de la Méditerranée pour alerter sur l’état critique de l’océan. Une action forte portée par la coalition “Ocean Race – One Blue Voice”, à quelques jours de la Conférence des Nations Unies sur l’Océan à Nice. Objectif : rappeler l’urgence de protéger cet écosystème vital, menacé par la pollution, la surpêche et le dérèglement climatique.

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La France face à ses engagements écologiques pour la Méditerranée : urgence d’agir

Le mois de juin s’ouvre sur la Conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC) qui se déroulera à Nice, au bord de la mer Méditerranée, l’un des berceaux de l’agriculture.

C’est près de ses rives que l’homme fait une des plus extraordinaires découvertes de son histoire pour que perdure son existence sur Terre : l’agriculture. La mer Méditerranée devient celle qui enseigne à l’homme sa survie.

Depuis la révolution néolithique, vers -10 000 ans, on y cultive des produits emblématiques comme l’olivier, la vigne, les agrumes, les céréales. Le climat méditerranéen a favorisé le développement de la biodiversité terrestre, et ses eaux d’un bleu mythique se sont constituées comme un paradis pour la biodiversité marine.

Une mer unique au monde

Bien que sa surface représente moins de 1 % des océans, elle abrite une exceptionnelle biodiversité.

Plus de 17 000 espèces marines y ont déjà été recensées. Elle est également le refuge de 20 à 30 % des espèces endémiques et accueille 7,5 % de la faune et 18 % de la flore marines mondiales.

Une mer hors du commun, un appel à la vie, elle constitue une aire primordiale pour l’hivernage, la reproduction et la migration.

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Un trésor de vie en péril

La mer Méditerranée subit les pressions des activités humaines qui ne cessent de s’intensifier. Près de ses côtes se développe un monde industriel croissant, les activités de 150 millions d’habitants, et une industrie touristique enregistrant plus de 200 millions de touristes par an.

Le bétonnage intensif, la surexploitation des ressources naturelles, le transport maritime, la pollution et la surpêche contribuent à la dégradation de la biodiversité.

L’UICN a identifié 1 912 espèces – allant des oiseaux aux poissons d’eau douce que l’on ne trouve nulle part ailleurs, des mammifères, des libellules, des écrevisses – qui vivent dans cette région bénie par la générosité de la Terre nourricière.

Mais, actuellement, près de 19 % des espèces vivant dans la région méditerranéenne sont menacées d’extinction.

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La nature a réalisé un rêve de biodiversité, l’humain le transforme en cauchemar.

La biodiversité de la Méditerranée est gravement menacée par l’introduction de plusieurs éléments dans un site naturel, patrimoine universel de l’humanité.

La Méditerranée devrait être un sanctuaire ; elle est devenue un outil de production, de profits, le supermarché des lobbies. Un commerce de la vie se déroule sous les yeux du monde.

Alors, avant toute chose, il aurait fallu concevoir la liberté de la Terre pour protéger la nôtre.

Comme il est urgent de penser les droits de la Terre pour réaliser les droits humains, ne plus les transformer en utopie.

On peut imaginer des futurs, mais sans une planète Terre viable, aucun d’eux ne verra le jour par la paix.

L’instabilité de la nature fera le chaos de l’humanité.

Vivre en osmose avec la nature, c’est tout simplement respirer, boire, se nourrir. Survivre, car la Terre est libre. Il suffit de la liberté.

Toute action pour la préservation de la biodiversité parle en premier de la liberté.

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La mer Méditerranée affronte plusieurs dangers :

  • La pollution plastique et chimique, se déclinant en microplastiques, hydrocarbures, métaux lourds ;
  • Le bouleversement climatique : réchauffement des eaux, acidification, montée du niveau de la mer ;
  • L’artificialisation des côtes : tourisme de masse, construction d’infrastructures industrielles, promotion immobilière, trafic maritime ;
  • La surpêche et la pêche illégale : mise en péril de la biodiversité marine, de sa productivité.

Protéger un joyau fragile

La Méditerranée en cage, prise au piège d’énormes filets, le chalutage de fond. L’une des méthodes de pêche les plus destructrices.

Un chiffre alarmant pour comprendre l’impact d’un système destructeur : au cours des 60 dernières années, la Méditerranée a perdu plus de 40 % des grands prédateurs et mammifères marins.

Une autre donnée : 58 % des stocks de poissons évalués sont surpêchés, alerte MedReAct, qui agit pour la préservation de la biodiversité marine et lutte contre la surpêche qui épuise la mer Méditerranée et provoque la mise en péril des stocks de poissons.

La pêche industrielle provoque un appauvrissement de la biodiversité marine à hauteur de 93 %. Il est donc impératif que l’objectif 30/30 – protéger 30 % des océans d’ici 2030 – soit réalisé.

Adopté lors de la COP15 sur la biodiversité (Montréal, 2022), cet engagement aussi clair qu’ambitieux vise à créer des « aires marines protégées » (AMP) efficaces, équitables et bien gérées.

Cela signifie aussi le devoir d’appliquer l’interdiction de la pêche illégale en mer Méditerranée – établie par l’Union européenne en 2006, avec l’interdiction du chalut dans les sites marins Natura 2000. Soit près de 15 ans de non-respect de cette mesure.

Dans le cas de la biodiversité marine, protéger signifie : interdire ou limiter fortement les activités destructrices telles que la pêche industrielle, les forages et la pollution ; restaurer les écosystèmes dégradés, comme les récifs, les herbiers, ainsi que les zones de reproduction ; garantir des zones sanctuarisées pour les espèces menacées.

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Préserver la biodiversité marine – une ambition encore loin d’être atteinte

Beaucoup d’aires marines dites « protégées » sont des coquilles vides, sans gestion ni moyens donnés pour la surveillance de ces espaces naturels.

Garantir des aires strictement protégées – zéro pêche, zéro pollution – et non des zones « faussement protégées » est un objectif qui s’éloigne de toute réalisation, pourtant possible à mettre en place.

Les scientifiques sont unanimes : sans aires strictement protégées, la biodiversité marine est condamnée à être toujours plus menacée.

La France n’échappe pas à la règle des engagements politiques devenant une application fantôme sur le terrain marin, se transformant en fausses promesses écologiques.

À quelques jours de la Conférence internationale, tout demeure au silence de l’action gouvernementale, quand la volonté de protéger est cruciale, et avant tout un acte profondément humain à l’égard de la mer nourricière.

Le président Emmanuel Macron s’est engagé à protéger 5 % des eaux françaises de Méditerranée d’ici 2027. Le sablier s’écoule rapidement, et l’objectif est loin d’être réalisé.

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Une faille majeure persiste – La Zone de pêche réglementée (ZPR) du golfe du Lion

C’est une anomalie qui dérange jusque dans les rangs de la communauté scientifique. Créée en 2009 pour préserver les écosystèmes profonds et les espèces marines en déclin, la Zone de pêche réglementée (ZPR) du golfe du Lion, au large des côtes françaises, demeure la seule des 11 ZPR de Méditerranée à autoriser le chalutage de fond, une méthode pourtant parmi les plus destructrices pour les fonds marins.

Située dans une zone sensible, entre le cap d’Agde et le cap Béar, la ZPR couvre environ 45 km². Un bilan amer s’impose plus de 15 ans après sa création : la France a fait le choix de ne pas interdire totalement le chalutage de fond dans cette ZPR.

Résultat : la pêche industrielle continue d’y exercer une pression dévastatrice, même si l’exploitation des ressources est désormais restreinte à six mois par an, du 1er mai au 31 octobre.

Pendant les six autres mois, du 1er novembre au 30 avril, la pêche est théoriquement suspendue, mais des dérogations fréquentes sont accordées, même si l’effort de pêche est plafonné aux niveaux de 2008. Seulement, cette réglementation du compromis avec certains armateurs n’empêche pas l’effondrement biologique.

Chalutage de fond, méthode à bannir

Cette méthode consiste à traîner un lourd filet lesté sur le fond marin, raclant tout sur son passage : poissons, invertébrés, coraux profonds, herbiers… Il ne reste qu’un triste désert en lieu et place de la vie.

Une pratique perçue comme très rentable par certains industriels, mais écologiquement catastrophique.

La mer Méditerranée est un don de la Terre fait à l’humanité et veillant sur sa prospérité. La guerre contre la biodiversité marine d’exception est une sorte de suicide lent des moyens de subsistance pour des millions de personnes, et la destruction d’un bien commun universel.

MedReAct souligne que « le chalut en mer est comme la déforestation sur terre » et demande l’interdiction définitive du chalutage de fond dans la ZPR du golfe du Lion.

La France, puissance maritime, peut-elle continuer à justifier cette exception accordée à des armateurs, et qui va à l’encontre des engagements pris dans le cadre de l’objectif 30×30 ?

Actuellement, neuf chalutiers français sont toujours autorisés à y pêcher.

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FRA de Jabuka/Pomo – Une comparaison qui dérange

À quelques centaines de kilomètres, la FRA de Jabuka/Pomo, en mer Adriatique, située entre l’Italie et la Croatie, offre un contre-exemple éclairant. Les zones restreintes de pêche (FRA) sont des réserves marines qui soutiennent la récupération des stocks de poissons et des habitats marins surexploités.

La création de FRA a été initiée en 2016 par MedReAct, structurant une coalition d’organisations environnementales et de pôles de recherche, baptisée Adriatic Recovery Project. Des zones protégées où la pêche est interdite ou fortement restreinte.

Protéger les espèces et habitats marins vulnérables est le moteur du projet. Un succès incontestable accompagne l’instauration de la FRA Jabuka/Pomo, qui enregistre une augmentation importante de la biomasse des espèces commerciales comme le merlu et les langoustines. On assiste également au retour des requins de fond.

Des résultats spectaculaires que les décideurs politiques devraient vouloir pour toute la Méditerranée.

Agir pour protéger la mer Méditerranée : la championne du monde Alessia Zecchini plonge au cœur de la Grande Bleue à Marseille

Photo by Laura Babahekian

La championne du monde d’apnée, Alessia Zecchini, a réalisé mardi 3 juin une performance symbolique : une plongée pour dénoncer l’inaction de la France en Méditerranée.

À travers cette action, Alessia Zecchini, la société civile et les organisations environnementales exhortent la France à protéger pleinement la zone de restriction de pêche du golfe du Lion, encore aujourd’hui la seule en Méditerranée à tolérer la pratique destructrice du chalutage de fond. Il ne s’agit plus simplement de restreindre l’effort de pêche ou de prolonger des moratoires saisonniers, mais d’en finir définitivement avec une méthode incompatible avec les engagements climatiques et de protection de la biodiversité.

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Une action forte au large de Marseille, démontrant l’osmose entre l’humain et la Mare Nostrum, notre mer, ainsi désignée par les Romains. La Méditerranée, mer nourricière par excellence, dont nous sommes les protecteurs.

Dominer n’est pas détruire. C’est acquérir le savoir pour protéger un monde vivant. Protecteur et non prédateur, l’être humain possède cette force en lui, puisque l’eau est son premier berceau.

Comprendre, apprendre, partager : la science ouverte est le sens du savoir que nous avons acquis, en sachant que l’humanité n’est qu’au début de son apprentissage.

L’ignorance place le profit avant l’existence de l’ensemble du vivant, dont nous ne pouvons pas nous exclure. Quand nous habitons une planète, la Terre, emplie de vie, et que nous sommes cette vie.

L’absurde des politiques de concurrence et de rentabilité est une évidence. On ne pêche rien d’autre dans le désert que le sable.

La France ne peut maintenir une distance abyssale entre son engagement auprès des Membres des Nations Unies et la réalité de sa politique sur le terrain marin.

La gouvernance de la Méditerranée est désormais entre les mains du gouvernement français et de la Commission générale des pêches pour la Méditerranée (CGPM), dont la mission principale est d’assurer la conservation et l’utilisation durable des ressources marines vivantes dans la Méditerranée et la mer Noire. La CGPM joue un rôle clé dans la gestion des ressources pour éviter leur effondrement.

Les actes politiques doivent être à la hauteur des promesses, et d’un patrimoine naturel exceptionnel : la mer Méditerranée, mer nourricière et fragile, que nul ne peut imaginer s’effondrer.

Agir, maintenant.

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Une responsabilité à la hauteur des engagements

Si une volonté réelle de transition écologique guide les décisions à venir, la suppression du chalutage de fond dans cette zone emblématique pourrait marquer un tournant historique dans la gouvernance de la Méditerranée. Ce serait un signal fort envoyé à toute la région : celui d’un choix politique en faveur de la vie marine, des écosystèmes et des générations futures.

La France, pays hôte de la Conférence des Nations Unies pour les océans, ne peut manquer cette occasion. Elle doit se montrer à la hauteur de ses engagements et devenir le phare de la protection de la biodiversité marine, en éclairant aussi l’avenir des pêcheurs, qui ont besoin de perspectives durables, de ressources préservées et d’une mer vivante pour nourrir les peuples.

C’est en conjuguant protection des océans et justice sociale que pourra se construire une véritable paix bleue en Méditerranée.

Fédora Hélène

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