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Jeudi 29 juillet, LiberTerra a annoncé un rassemblement devant les bâtiments de la Préfecture à Caen en soutien au jeune majeur Soudanais sous le coup d’une demande d’expulsion vers le Soudan.
Un communiqué publié sur le site de La Cimade exprime son soutien au jeune réfugié placé dans un centre de rétention dans l’attente de son expulsion après avoir fait une demande d’asile le 19 juin, refusée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), et notifiée le 5 juillet 2021. Le 14 juillet, le jeune Soudanais a fait appel de cette décision auprès de la Cour nationale du droit d’asile, ainsi que le mentionne le communiqué du préfet du Calvados – La Cimade, des associations et le Collectif Citoyen/ne/s en Lutte Ouistreham demandent la suspension de la décision d’obligation de quitter le territoire français sans délai prise le 11 juin et confirmée par le tribunal administratif de Rouen le 2 juillet 2021.
Une décision d’expulsion affirmée qui intervient alors que Idriss* est placé dans un centre de rétention le 14 juin à la suite de la première décision d’expulsion vers le Soudan pour « procéder à son éloignement », souligne le communiqué du préfet de Caen, qui précise que le recours effectué auprès de la CNDA n’est pas suspensif.
Par ailleurs, le communiqué du préfet de Caen revient sur les faits qui, selon lui, motive la décision d’expulsion. Ainsi que l’explique la déclaration de La Cimade en soutien au jeune réfugié Soudanais, Idriss a fait l’objet d’articles de presse après une altercation le 9 juin avec un routier qui aurait été « légèrement blessé » avec un couteau à huitre ainsi que le mentionne des articles de presse. Selon nos informations, il n’y aurait pas eu de sang retrouvé sur le couteau.
Le jeune Soudanais tentait de rejoindre le ferry partant pour l’Angleterre caché dans un camion quand le routier s’est opposé à la présence dans son véhicule de deux jeunes Soudanais, dont l’un deux était Idriss . Une altercation s’ensuivit et l’espérance de rejoindre l’Angleterre fut rattrapée par le désespoir. Suite à l’altercation, Idriss a été présenté en comparution immédiate et la justice le condamnait à 6 mois de prison avec sursis le 14 juin dernier pour violence avec l’usage d’une arme.
La Cimade rappelle dans son communiqué que le juge a pensé que la place d’Idriss* n’était pas en prison : « Si le juge ne l’a pas envoyé en prison, le préfet, lui, l’a envoyé en rétention en vue de son expulsion », mentionne le communiqué en soutien à Idriss.
Le communiqué du préfet de Caen mentionnant le nom et la date de naissance du jeune Soudanais pour démontrer que celui-ci avait « falsifié » son identité, ainsi que sa date de naissance en entrant en France pour se déclarer mineur alors que le jeune Soudanais était majeur.
Un communiqué qui peut nous apparaître à charge contre le jeune Soudanais car il ne peut être fait abstraction du passé douloureux de ce dernier, des traumatismes qu’il a subi d’une part par la violence qui sévit dans son pays d’origine du fait de conflits intercommunautaires, et d’autre part par une crise humanitaire grave et complexe s’y déroulant et à laquelle s’ajoute une crise climatique. De plus, il vécut au cours du périple qui le conduisit en France, la torture et l’emprisonnement durant son passage entre le Tchad et la Lybie.
Une grave crise humanitaire oubliée
L’article de LiberTerra du 29 juillet : « Ouistreham – près de 45 jeunes Soudanais démunis espèrent la liberté pour avenir » – explique une des pires crises humanitaires qui touche les populations au Soudan du Sud, et qui pourtant est oubliée, rappelle l’ONU.
Ce sont 8, 3 millions de personnes en urgence humanitaire, ce sont les droits des enfants qui ne sont pas respectés, souligne l’UNICEF, c’est une crise climatique qui frappe également les populations vulnérables qui subissent la faim, l’absence d’eau potable, d’accès aux soins, ainsi que des déplacements contraints. L’ONU alerte en 2018 qu’au moins deux millions de personnes sont déplacées, contraintes de fuir les violences, ainsi que les conséquences du bouleversement climatique. Partir ailleurs est alors l’issue de secours pour trouver la liberté et pour espérer sauver sa famille.
Un système politique et économique qui oublie plus de la moitié de notre humanité, privée de ses droits à vivre en paix et sécurité
Les conséquences des violences qui résultent de décennies d’absence de politique pour une solidarité internationale forte prenant les voix de la paix pour construire un avenir serein, et permettre à tous les enfants de grandir sans peur, sans souffrance, sans avoir faim, sans être privés de leurs droits humains fondamentaux – sont portées non par les décideurs politiques, mais par des jeunes démunis tels que Idriss et les autres jeunes réfugiés se trouvant sur Ouistreham.
Idriss s’est construit dans la peur, il a vu des personnes et ses proches souffrir, et aujourd’hui, La Cimade souligne que le jeune Soudanais n’a plus de nouvelles de sa famille. Une famille qu’Idriss pensait protéger en partant pour l’Europe, car c’est aussi pouvoir y trouver un travail pour envoyer de l’argent à ceux restés au pays.
Identité en peine
Idriss a modifié son identité et sa date de naissance ainsi que le mentionne le préfet du Calvados. Nous pouvons émettre l’hypothèse qu’il a voulu protéger en premier sa famille restée au pays . Nous sommes dans un contexte de grande vulnérabilité, de pauvreté, de conflits et changer son identité, c’est aussi protéger les siens, comme prétendre être mineur permet d’accéder à des droits différents et alors penser avoir plus de chance de s’en sortir. C’est humain et qu’aurions-nous fait dans une telle situation dramatique, en étant isolés et totalement démunis ? Puis, nous pouvons nous poser cette question : est-ce que révéler son identité, ainsi que sa date de naissance dans un communiqué diffusé sur Twitter n’est pas préjudiciable à Idriss, ainsi qu’ à sa famille dont il n’a pas de nouvelle et qui peut se trouver en danger ? D’autre part, nous ne pouvons ignorer les drames et les souffrances que ce jeune Soudanais a traversés et alors prendre conscience que cette décision d’expulsion vers le Soudan pourrait mettre sa vie en danger. Puis, les victimes de violences graves ont déjà eu leur vie menacée, et l’angoisse de perdre la vie peut se révéler par le choc traumatique et se faire ce présent par la mémoire traumatique . Ces jeunes réfugiés Soudanais ont vécu la pire des menaces, celle de perdre la vie. Une souffrance que l’on ne peut mesurer et ceux ayant eu leur vie menacée par les violences multidimensionnelles que peuvent commettre des hommes, connaissent cette immense peine. La Cimade souligne que la santé psychologique de Idriss se serait aggravée suite à une demande d’expulsion entraînant des problématiques en cascade que ce jeune soudanais se prend de plein fouet.
Un jeune tenant le coup par le dévouement vertueux d’associations et collectifs humanitaires. C’est cette lumière qui est une chance pour nous tous car posséder cette arme de la paix par la générosité de bénévoles et membres d’associations et ONG, rappelle aux gouvernements qu’un pays peut garantir une véritable sécurité à sa population que par cette conscience de la solidarité, par le respect fondamental des droits humains, lesquels ne peuvent être séparés les uns des autres.
Cette solidarité internationale que certains gouvernements ont oublié de porter avec force pour hisser le drapeau de la paix, des droits humains avant celui des profits qui laissent des millions de personnes vulnérables en détresse et qui abandonnent des enfants survivant sans aucun respect de leurs droits. Aujourd’hui, il y a dans le monde: 80 millions de personnes déplacées, déracinées qui luttent chaque jour pour survivre. Il y a ces millions d’enfants privés de tous droits et subissant la violence des trafics comme la vente d’enfants, l’obligation de travailler, l’impossibilité d’aller à l’école – la pauvreté étant l’empire de toutes les violences.
La Cimade , organisme humanitaire veillant aux droits des migrants et réfugiés précise également que Idriss a subi durant son passage en Lybie et au Tchad , la torture , l’emprisonnement et qu’il a réussi à avoir la force de l’espérance, de traverser la mer, les différents pays comme Malte, l’Italie, la France pour de nouveau espérer traverser une autre mer pour rejoindre l’Angleterre et unir alors encore une fois ses forces pour tenter d’établir une stabilité en trouvant du travail, un logement et pouvoir espérer dans ce toujours retrouver les siens dont il n’a plus de nouvelles.
Comment ne pas vouloir reconnaître l’espérance, la liberté qui est la véritable identité d’Idriss. Il porte ce nom, espérance
Espérance, LiberTerra a demandé à des jeunes de 18 à 28 ans ce qu’ils espéraient pour leur jeunesse et le point commun est : voyager, découvrir leur Terre et les autres peuples, apprendre en étant dans la générosité, le partage. Une magnifique jeunesse qui pense qu’Idriss doit pouvoir enfin vivre paisiblement, se reposer, ne plus avoir peur – il n’a déjà que trop souffert.
Une jeune explique avoir à 19 ans fait le trajet de France jusqu’en Allemagne en auto-stop pour récolter des fonds pour une association humanitaire luttant contre la faim dans le monde. Cette générosité, cette volonté d’écouter son cœur pour agir, c’est ce qui doit être premier et surtout pour offrir aux jeunes réfugiés comme Idriss le droit de vivre la chance qu’ils ont construite par leurs actes de courage en venant chercher la liberté.
1951 2021 – 70 ans de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés
« Il est plus urgent que jamais de se réengager en faveur des principes fondamentaux et de retrouver l’esprit de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés » affirme l’Agence des nations-Unies pour les réfugiés (HCR)
« Grâce à la Convention, des millions de vies humaines ont été sauvées. Soixante-dix ans après sa rédaction, il est crucial que la communauté internationale défende ses principes » explique Filippo Grandi, Haut-Commissaire de l’ONU pour les réfugiés.
Parmi les 80 millions de personnes déracinées, il y a près de 30 millions de personnes demandeurs d’asile, ainsi que Idriss en a fait la demande et attend que l’appel soit étudié par la CNDA. L’HCR précise que ces chiffres ont doublé en seulement 10 ans ! Par ailleurs, l’ONU est inquiet par « les récentes tentatives de certains gouvernements d’ignorer ou de contourner les principes de la Convention, qu’il s’agisse et de renvois de réfugiés et demandeurs d’asiles »
Naufrages – Les politiques abandonnent l’universalité de la paix
De plus, nous soulignons le nombre alarmant de migrants et réfugiés ayant péri en mer en tentant de gagner la liberté. L’ONU alerte sur les naufrages ayant lieu alors que des migrants tentent de traverser la Méditerranée de la Lybie vers l’Italie, et qu’il est fait état de naufrages au large de la Tunisie, ainsi que LiberTerra l’écrit au cours d’articles en soutien à SOS Méditerranée.
Le 18 mai 2021, l’ONU a alerté concernant « au moins 50 migrants » qui se sont noyés au large des côtes tunisiennes après avoir quitté la Lybie. Un dimanche sous cette pluie de tristesse quand des gouvernements n’ont pas conçu les conséquences du bouleversement et que leur priorité n’a pas été de concevoir des infrastructures essentielles à l’accueil des migrants et réfugiés, comme il n’est pas celles pouvant répondre aux catastrophes naturelles et industrielles.
Puis, le lundi suivant le jour du drame, un bateau transportant plus d’une centaine de migrants et réfugiés, « sur le point de couler », a été intercepté par la marine tunisienne, soulignait l’OIM. Le bureau de l’OIM en Tunisie indiquant avoir fourni une assistance médicale urgente à « 113 migrants secourus à la suite d’une opération de sauvetage menée par les autorités tunisiennes au large de Djerba le 17 mai ».
Juin 2021 – les naufrages ne cessent pas, le risque est permanent – « L’OIM en Tunisie est profondément attristée par le tragique naufrage survenu au large des côtes de Sfax la veille du mardi 2 juin » Tweet de l’OIM de Tunisie. « Suite à l’opération de recherche et de sauvetage menée par les autorités tunisiennes, 2 corps ont été retrouvés tandis que 20 migrants sont portés disparus ou morts » ONU pour les migrations.
Le 9 mai 2021, l’ONU pour les réfugiés (HCR) a établi qu’il y a près de 7 000 réfugiés et migrants qui ont été secourus ou interceptés par les garde-côtes libyens et débarqués en Lybie depuis le début de 2021.
Le HCR alerte – Il y a plus de 4 500 migrants et réfugiés (88 % d’hommes et 12 % de femmes) détenus dans les centres de détention officiels en Libye.
2021 – la solution : la solidarité
Une année 2021 où le PAM, prix Nobel de la paix 2020, établit qu’il pourrait être chaque jour : 6 000 enfants mourant de faim. Une année 2021 où la crise climatique renforce sa valeur exponentielle et où il est la continuité de la pandémie de Covid 19 ayant frappé lourdement les populations vulnérables qui subissent toutes les violences du système économique les fragilisant toujours plus. Les décideurs politiques ne peuvent être cette pierre faisant encore plus couler notre avenir à tous par la souffrance s’imposant en valeur de notre monde. L’engagement pour les droits humains doit être inédit et la solution efficace est la solidarité. Les gouvernements ne peuvent pas ne pas écouter la voix de la liberté. C’est par elle que notre monde pourra perdurer.
Sauver la vie de ce jeune Soudanais menacé d’expulsion vers le Soudan, est ce que porte La Cimade et les associations, collectifs humanitaires en lumière de paix. Ce n’est pas un vain mot quand il est plus de trois milliards de personnes ne pouvant manger de manière saine et équilibrée, ne pouvant avoir accès à l’eau potable au 21ème siècle, alerte l’ONU. Nous ne pourrons perdurer, vivre avec uniquement la moitié de nous-mêmes : notre humanité est Une.
© Fédora Hélène
Faim de liberté !

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