
Fin de la trêve hivernale dans un contexte de crises et d’appauvrissement
Ce début du mois d’avril est marqué par la fin de la trêve hivernale née de la volonté de l’Abbé Pierre vivant avec les plus démunis le froid de la misère. La pauvreté sans pitié qui met à la rue des familles entières, des petits enfants. Le cœur fermé des puissants oubliant les blessures de la guerre, et faisant porter sur les épaules des plus fragiles le fracas des actes politiques. Les pauvres, comme des mules que l’on charge et qui tombent d’épuisement et sans que soit un regard pour eux, leur corps gît sur le trottoir. Immobiles, saisis par le froid, ils sont partis prenant sur eux toutes les peines.
L’hiver 1954, l’Abbé Pierre donne une chance à la fraternité pour que ne soit plus cet hiver meurtrier, et le 3 décembre 1956, la loi instaure une protection pour les locataires qui ne pourront pas être expulsés de leur logement du 1er décembre au 15 mars. Une trêve dont la durée est allongée une première fois en 1990, pour commencer le 1er novembre, puis en 2014, où la loi Alur fixe la date de la fin de la trêve hivernale au 31 mars.
Une trêve qui sera complétée par la loi Brottes du 15 mars 2013, qui interdit les coupures d’eau toute l’année, et par le décret du 27 février 2014 applicable pour l’électricité et le gaz qui ne peuvent être coupés pendant la trêve hivernale.
Durant la pandémie de Covid, exceptionnellement la durée de la trêve hivernale a été prolongée en 2021 jusqu’au 10 juillet.
Un monde en crises et l’inflation augmentent le risque d’expulsions
La Fondation de l’Abbé alerte sur le fait que dès le dernier trimestre 2022, les bailleurs sociaux ont enregistré une augmentation de plus de 10 % sur un an des foyers en difficulté financière, et ne pouvant plus assumer le poids des charges, dont le loyer.
Une inquiétude qui se confirme alors que dans le département du Nord, les expulsions ont augmenté de 63 % entre 2021 et 2022, alerte la Fondation Abbé Pierre.

Des conditions de vie toujours plus difficiles pour nombreux ménages
Les mesures sanitaires prises pour ralentir le Covid ont aggravé les conditions de vie des plus vulnérables, et l’inflation fait tomber des personnes supplémentaires dans la pauvreté et ce sont toujours plus d’expulsions qui se produisent en cascade.
En 2021, ce sont 6 600 ménages qui ont été expulsés de leur logement, selon la Fondation de l’Abbé Pierre.
De l’expulsion au traumatisme, 71 % des personnes vivant cet événement douloureux en subissent les effets dramatiques qui fragilisent toujours plus la personne et sa santé. Ce sont également des enfants victimes de ces procédures et 80 % des familles ont déclaré avoir leur droit de vivre en bien-être directement impacté et 43 % des personnes soulignent que leurs enfants ont à la suite de l’expulsion une scolarité difficile, comme le décrochage, des problèmes de concentration, une perte de confiance, des troubles du comportement.
De plus, 2 à 3 années après l’expulsion, 32 % des ménages n’ont pas retrouvé un logement pérenne, et subissent une précarité provoquant à 29 % la perte de leur activité professionnelle, souligne la Fondation de l’Abbé Pierre.

Le drame des expulsions en augmentation
La Fondation de l’Abbé Pierre indique que, contrairement à ce qui a été annoncé par le gouvernement, le nombre d’expulsions entre 2020 et 2021, a concerné plus de 20 000 ménages. Ce sont 8 156 expulsions en 2020 et environ 12 000 en 2021. Les mesures prises durant la crise sanitaire n’ont pas permis de réduire le nombre de personnes ayant perdu leur logement.
Par ailleurs, les hausses du prix de l’énergie ont déjà impacté les plus vulnérables, puisqu’en 2021, les coupures pour impayé ont atteint un niveau historique : 785 000 coupures ou réductions de puissance, contre 552 000 en 2020, selon le Médiateur de l’énergie.
La Fondation de l’Abbé Pierre a noté l’urgence d’augmenter le montant du chèque énergie et de réaliser les rénovations nécessaires pour isoler les logements, ainsi que de mettre fin aux coupures d’électricité.
L’entraide une valeur sûre pour lutter contre les expulsions
La plateforme Allô Prévention Expulsion de la Fondation Abbé Pierre a depuis sa création conseillé et orienté près de 19 000 personnes menacées d’expulsion grâce à un réseau animé par la Fondation Abbé Pierre. Ce sont des associations engagées depuis 2013 pour notamment accompagner les personnes en difficulté.
Par ailleurs, au contact de la réalité, l’Espace Solidarité Habitat, alerte sur la pression que vit le secteur de l’hébergement qui est saturé et sur le fait que l’État manque à ses obligations, et ne reloge pas de nombreuses personnes qui sont pourtant prioritaires DALO.
Le délégué général de la Fondation, Christophe Robert souligne que dans un contexte complexe et très difficile, s’ajoute une proposition de loi dite « Kasbarian » dont la crainte est qu’elle « vienne de manière contreproductive et incohérente réduire les délais de la procédure d’expulsion et la possibilité pour le juge de suspendre les expulsions, risquant d’accroître encore le nombre de ménages expulsés ».
La Fondation souligne également que la Cour des comptes alerte sur une « prévention des expulsions insuffisantes ». La Cour des comptes a constaté que les services de l’État chargés de la prévention des expulsions sont « confrontés à des difficultés opérationnelles qui restreignent leur rôle et rendent leur action difficilement évaluable ». L’organisme note aussi l’absence de politique spécifique de relogement et d’hébergement .
La Cour des comptes a établi 7 recommandations pour renforcer la prévention des expulsions et les possibilités de relogement.
La Fondation Abbé Pierre a également établi des solutions et exhorte l’État à renforcer les aides au paiement des loyers et l’indemnisation des propriétaires comme cela a été mis en place durant le Covid. Il est aussi demandé à l’État e garantir le fonctionnement des dispositifs sociaux, et de rappeler aux préfets l’importance du droit au logement, et « le nécessaire respect des circulaires ».
La Fondation lance un appel à l’État pour que la prévention contre les expulsions soit renforcée, et pour faire de la lutte contre l’exclusion et le mal-logement une priorité.
Fédora Hélène

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