Interview exclusive – Fabien Gay « Zéro millard mis sur la table pour les soignants et l’hôpital public »

Fabien Gay, PCF, Sénateur de la Seine-Saint-Denis révèle à LiberTerra la réalité d’une crise sanitaire, « Elle a montré les limites du capitalisme » selon, Fabien Gay.

Entretien réalisé par Hélène Carion

Comment se déroulent actuellement les débats au Sénat ?

– Fabien Gay : Depuis le début du confinement, nous sommes dans une situation un peu particulière. À part les questions au gouvernement chaque samedi à 15 heures qui se déroulent en effectif très réduit, car pour respecter les gestes barrières, il n’y a que les présidents de groupe accompagnés de celles et ceux qui posent les questions qui rentrent dans l’hémicycle. Tout le travail parlementaire se fait par visioconférence.

Puis, nous avons eu deux séances avec les budgets rectificatifs 1 et 2, mais là aussi dans des configurations réduites, c’est à dire qu’on ne devait pas être plus de 48 dans le Sénat.

Une situation qui se comprend car il faut respecter les gestes barrières, mais qui pose des questions sur comment le parlement dans sa majorité peut travailler ? Si le confinement est amené à se prolonger, et certainement les gestes barrières, et à juste raison, il faut qu’on trouve un moyen pour que nos institutions continuent à fonctionner de bonne façon. Cette question sera posée dans les semaines à venir.

Quelle est la dominante qui règne dans les débats au Sénat concernant les mesures après-confinement , notamment sur les mesures économiques ?

Pour l’instant ce n’est que les mesures économiques . Les budgets rectificatifs 1 et 2 et la quasi-totalité des mesures économiques sont à destination des entreprises.

La première question que nous nous posons avec notre groupe (Communiste Républicain Citoyen et Écologiste), c’est qu’il nous faut débattre des moyens urgents pour l’hôpital public et pour la santé.

Par exemple, il est assez étonnant que nous n’ayons pas eu un débat et un budget rectificatif de la Sécurité Sociale. C’est le budget rectificatif de la Sécurité Sociale qui peut débloquer des moyens pour l’hôpital public. Nous, nous l’avons porté depuis le début et on le voit pas venir.

C’est à dire que encore une fois, il y a un deuxième budget rectificatif où il y a zéro milliard mis sur la table pour les soignants et pour l’hôpital public.

La deuxième question, c’est toute la question autour de la crise sanitaire et comment la résoudre : les masques, les gels, les équipements médicaux, les respirateurs, ainsi que les tests.

Car on sait que si on veut déconfiner, la meilleur façon de déconfiner , c’est de tester massivement la population. Pour l’instant, nous n’avons peu ou pas de réponse. Comme tous les Français, nous entendons les discours et les commandes passées mais sur le terrain, ça ne se traduit pas. C’est à dire que vous ne pouvez pas trouver facilement des masques et que ceux qui sont à disposition dans les pharmacies sont destinés en priorité aux personnels soignants. Maintenant, il faut que la totalité des Fançaises et des Français puissent avoir un masque et puissent être dépistés.

À votre avis, est-ce que les réponses aux questions sont réunies pour assurer le 11 mai la garantie de la protection pour la santé de la population ?

On continue à poser ces exigences là, masques, gels et tests. Il reste maintenant 15 jours, on nous dit que les masques vont arriver, il faut qu’ils soient maintenant disponibles. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Il y a beaucoup d’ingéniosité dans le peuple français, beaucoup de gens qui fabriquent des masques. Il y a beaucoup de solidarité aussi, mais ça ne peut pas remplacer le rôle de l’État.

Il y a 250 entreprises qui ont réorienté leurs chaînes de production pour fabriquer des masques, il faut les féliciter ainsi que les salariés qui les produisent.

Comme à tout à chacun, j’ai lu le dernier graphique, nous sommes à 8 millions de masques produits par semaine alors qu’il en faudrait 45 millions. Donc, nous en sommes loin. Donc il faut que les masques commandés arrivent et soient distribués. Pour l’instant, je suis comme vous, je suis dans l’expectative. Est-ce que dans 15 jours toutes les conditions seront réunies, je l’espère. Il faut continuer à poser fortement cette exigence.

Quelles sont les mesures phares que vous proposez dans le contexte de la crise majeure que le pays va traverser et une crise qui est sur le plan mondial ?

C’est une crise sanitaire, économique, sociale, financière, commerciale, c’est une crise qui peut déboucher sur une crise démocratique.

Pour l’instant, les mesures économiques prisent pour les entreprises, il y a des choses qui vont dans le bon sens, notammant la création du fonds de solidarité. Nous avons porter un certain nombre d’amendements pour élargir le fonds.

Et certainement que nous aurons besoin d’un budget rectificatif 3 d’ici trois semaines à un mois, car il ne sera pas suffisant et qu’il n’est pas ouvert à beaucoup de personnes, notamment des artiants seuls. Il y avait la question des entreprises PME, TPE de 10 à 20 salariés. Il y a la question de l’accessibilité, de ce fonds notamment aux auto-entrepreneurs.

Fabien Gay porte deux mesures pour les salariés au chômage partiel :

– Fabien Gay : Le chomâge partiel , c’est 10 millions de salariés qui sont payés 84 % de leur salaire. Nous nous portons l’exigence de 100 % du salaire au chômage partiel.

Il y a aussi la question de l’élargissement du chèque énergie aux salariés en chômage partiel.

Puis Fabien Gay alerte sur la situation de plus précaires

– Fabien Gay : Pour les plus précaires, il y a une première aide de 150 euros par personne avec 100 euros par enfant mais qui n’est pas suffisante. En Seine-Saint-Denis, il pourrait y avoir dans les prochains jours, 20 000 personnes qui n’aient accès à la nourriture. Le préfet de Seine-Saint-Denis parle des « Émeutes de la faim ». L’État doit aider fortement les associations et les collectivités qui sont en première ligne.

Puis , il est une question que Fabien Gay pose et qui est celle de « L’ inégalité qui s’accroît car pour beaucoup d’enfants, le seul repas équilibré de la journée, c’est la cantine scolaire. Et, donc depuis un mois et demi, ils ne vont plus à la cantine scolaire. Le repas équilibré pour les enfants, c’est une vraie question. »

Quelles propositions faites-vous pour lutter contre la précarité ? Quelles solutions proposez-vous pour remédier aux problématiques que rencontrent des banques alimentaires ? Puis, il y a la question de l’augmentation des prix sur l’alimentation.

Fabien Gay : Il y a d’abord les mesures d’urgences qui peuvent être de 4 types.

La première se sont les associations qui sont en première ligne. Elles nous alertent, aujourd’hui, sur une explosion des demandes. En même temps, on commence à être un peu sec au niveau des dons et notamment des dons des grandes enseignes. Il faut que l’État aide financièrement les associations caritatives et qu’il garantisse les conditions sanitaires pour les bénévoles. D’autant que beaucoup de bénévoles sont des personnes âgées.

Concernant l’alimentation, les prix augmentent significativement contrairement à ce qu’on nous avait dit : pas d’augmentation des prix. Une augmentation qui se comprend par l’augmentation du coût du transport, de la livraison. Puis, ça c’est orienté pour les fruits et légumes vers une production française qui est un peu plus cher. Une question se pose, est-ce qu’on bloque le prix ? Le gouvernement peut bloquer les prix.

Puis, il y a débat sur la souveraineté alimentaire de la France, qu’il ne faut pas lâcher. Il y avait le CETA, nous étions en pleine ratification, est-ce que oui ou non le gouvernement va continuer ? Nous, nous refusons ça. Nous avons nos agriculteurs qui aujourd’hui ne vivent pas de leur travail et ça , c’est insupportable.

Il est les 20 milliards d’euros pour les entreprises stratégiques, quelle est votre position à ce sujet ?

Le scandale c’est que l’État n’a jamais voulu avoir débat sur ce sujet ni nous donner la liste des entreprises visées. Sitôt le débat fini, vendredi 17 avril, Bruno le Maire va sur TF1 et annonce qu’il y a 7 milliards d’euros pour Air France et 5 milliards pour Renault . Ils ont refusé le débat avec les parlementaires et le lendemain, ils vont sur les grandes chaînes annoncer que tout est fait. C’est un mépris du parlement.

 Cela sera des prêts garantis, ça ne sera pas des nationalisations. Ce qui soulève la questions des critères. Nous, nous avons porté deux choses : les critères sociaux et environnementaux.

Concernant Renault, Fabien gay pose la question :

 – « Est-ce que Renault va reproduire en France ? » et « Est-il  la garantie que l’emploi industriel va rester en France ».

Et la deuxième question, selon Fabien Gay concerne « le critère écologique car il ne faut pas abandonner le combat contre le réchauffement climatique ».

Comment dans le contexte de réponses systématiquement négatives à l’égard des propositions que vous formulez , le débat démocratique peut-il se poursuivre ?

-Fabien Gay : Nous sommes en train de prendre beaucoup de mesures, c’est 415 milliards d’euros mis sur la table pour l’instant. 115 milliards d’euros d’aides directes et 300 milliards de prêts garantis. Pour nous, il manque beaucoup de choses pour soutenir les ménages et la consommation. Aujourd’hui, il y a des personnes en très grande précarité qui vont devoir faire le choix entre payer ses factures, son loyer et se nourrir. Il faut les soutenir bien plus fortement. Après la question est, qui va payer ?

Il y a une vraie question autour des banques européennes. Nous, nous disons depuis très longtemps, il faut que la banque centrale prête directement aux États pour investir à taux zéro. Et, il est un scandale que les banques centrales européennes puissent pas prêter aux États. La droite, le gouvernement et le MEDEF, ils disent : ce sont les salariés qui vont payer. C’es tout le débat depuis 15 jours.

Ce qu’ils nous disent : il faudra allonger le temps de travail, supprimer les congés payés et les RTT, il faudra pas forcément payer les heures supplémentaires. Nous, nous proposons une autre loi, c’est de faire contribuer les plus hauts revenus dans cette crise. C’est tous les débats que nous avons posé sur l’ISF, sur la suppression de l’exit tax, revenir sur la flat tax, faire contribuer les revenus de plus de 250 000 euros. Tout ça c’est refusé.

Ils veulent faire de la dette aujourd’hui pour au sortir nous dire : il va falloir comprimer les budgets publics, il va falloir travailler plus longtemps, etc … C’est un débat de société qu’il faut mettre entre les mains du plus grand nombre. Si ça reste que un débat dans l’hémicycle ou les libéraux et les Républicains ont la majorité absolue ; l’après, c’est vous allez verser des sangs et des larmes. Ils n’ont pas décidé de changer un seul iota de leur politique et de remettre en cause le sytème capitaliste.

La Haut-Commissaire des Nations-Unis aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, déclarait « Les gens ont le droit de participer aux décisions qui affectent leur vie » . Quel est votre sentiment sur cette affirmation de Michèle bachelet ?

J’appelle à ce que le plus grand nombre se mêle de ces affaires. Il ne faut pas que ça reste un débat parlementaire, il faut que ça sorte de là. Je ne remets pas en cause la démocratie parlementaire mais si nous laissons faire, le monde d’après ce sera le même qu’avant.

Pourquoi des grandes entreprises qui font du chômage partiel, comme Vivendi, peuvent obtenir des prêts garantis par l’État ? Il est une question, il faut annuler les dividendes pour l’année 2020. Il faut que ce débat continue à surgir et que le plus grand nombre s’en mêle et l’exige pour que le gouvernement infléchisse sur sa position.

Il y a une autre question qui a fait beaucoup débat ces derniers jours, qu’on ne puisse pas aider des entreprises qui ont intérêts dans des paradis fiscaux. Nous avons réussi à le faire adopter au Sénat. Le matin même le ministre a dit « oui, c’est une bonne proposition » et le soir, ils l’ont enlevé du texte. Il faut qu’on continue à porter fortement cette exigence.

Oui, le plus grand nombre a intérêt à s’en mêler. Karl Marx disait «Une idée devient une force lorsqu’elle s’ empare des masses ».

Le Défenseur des droits appelait à un grand débat public sur la liberté, vous le rejoignez ?

Bien sûr. Là aussi tout le débat sur StopCovid, tout le débat sur le tracking , nous savons que ce n’est pas en restreignant nos libertés que nous allons être mieux soigner et que nous serons protéger du coronavirus. La seule chose qui peut nous protéger du coronavirus si nous l’attrapons malheureusement, c’est que nous soyons bien pris en charge par les soignants, la médecine de ville et puis l’hôpital public si c’est plus grave, et avant ça , la meilleure solution, c’est d’être testé. Ce n’est pas en restreignant nos libertés, surtout que si nous mettons le doigt là dedans, c’est nos vies après qui seront tracées, qui seront étudiées, avec nos déplacements, nos envies, nos modes de consommation. Tout cela pourra être repris par des grandes firmes qui sont beaucoup plus puissantes que des États pour beaucoup d’entre elles et qui pourront s’en servir de nos données. Donc, là aussi le débat doit être public.

Mais pas style le grand débat national où en fait on a enfumé tout le monde en faisant un grand débat national pendant 6 mois. Puis, le Président de la République a dit : vous voulez la justice fiscale, environnementale, en fait vous aurez du Macron 2 ! C’est à dire plus d’inégalités sociales et pas beaucoup de mesures environnementales.

Les gens ont réclamé plus de démocratie, notamment avec le RIC. Moi, je pense que ce n’est pas l’alpha et l’oméga. Je pense que la question ne doit pas être là, la question doit être sur une 6 ème République. Il faut un grand débat de société pour dire dans quelle société nous voulons vivre. Il y aussi des choix électoraux et à ce moment là, il faut se déplacer en masse et dire ce que nous voulons.

Sur les choix électoraux , est-ce que vous pensez qu’une union des gauches est souhaitable et possible ?

Elle est souhaitable et elle sera possible que si là aussi le plus grand nombre sans mêle et l’exige. Sinon, soit vous aurez Macron ou pire les Républicains, ou l’extrême droite. Si nous voulons bousculer le scénario entre la droite et l’extrème droite, nous avons besoin d’une union populaire sur des valeurs de gauche.

Pour revenir à l’application StopCovid, Mardi 28 avril sera un débat à l’Assemblée concernant ce projet, suivi d’un vote qui devrait être mercredi 29 avril. Quand ce débat viendra au Sénat, quelle sera votre position lors de ce débat et lors du vote ?

Nos interrogations sont fortes autour de nos libertés individuelles et collectives et l’efficacité.

Si pour vous, ces libertés ne sont pas garanties , est-ce que vous voterez contre ?

Si les libertés individuelles et collectives ne sont pas réunies, bien évidemment.

La crise sanitiare est-elle également la conséquence du capitalime ?

Lorsqu’on parlait de souveraineté industrielle, de reconquête industrielle , on nous riait au nez. Lorsqu’on parlait de justice fiscale notamment sur les questions de dividendes, alors que l’an dernier, il y a eu un record de 51 milliards d’euros versés aux actionnaires, on nous riait au nez.

La crise accentue les inégalités . Et, elle a montré quoi ? Elle a montré les limites du système capitaliste qui était incapable de gérer cette crise et qui en était pour une grande part responsable. Par exemple la désorganisation de l’hôpital public, c’est une volonté politique. Les hospitaliers nous alertaient depuis des mois.

Nous en 2018 et 2019, nous avions entamé un tour de France des hôpitaux et nous avions là aussi rencontré beaucoup de monde et nous partagions déjà ces constats là. On le savait. Personne peut dire que l’on ne savait pas. Dès maintenant et pour plus tard, il ne faudra pas qu’on oublie ça. Il faut exiger des moyens pour nos hôpitaux. Il faut exiger que sur un certain nombre de choses, qui sont sur nos besoins vitaux, humains, ils soient sortis du secteur marchand.

Vous aviez également évoqué le projet Hercule ?

C’est une vraie question l’indépendance énergétique. Madame Borne c’est la reine des privatisations et des désorganisations d’entreprises publiques. Elle a fait en deux ans et demi, la SNCF et la RATP. Maintenant, elle veut s’attaquer à EDF. C’est à dire en scindant le groupe en deux en privatisant une partie. C’est à dire le plus rentable, et en gardant le monopole public de ce qui connait beaucoup de pertes. En même temps, c’est un système pour désorganiser l’entreprise et la désintégrer.

La question énergétique doit répondre à un besoin humain et en même temps, à un besoin de transitions énergétiques. Seule une entreprise public qui a le monopole peut le faire. Le privé, il s’en fout. Donc ça pose la question d’un moratoire sur le projet Hercule.

Sur la question des transports, je suis effaré de constater que les hauts dirigeants de la SNCF, viennent maintenant demander un plan sur le fret. Nous avions porté lors du pacte ferroviaire, un plan sur le fret. C’était il y a deux ans et à ce moment là, on nous riait au nez !

Puis, L’ ARENH, c’est quoi ? Fabien Gay développe la problématique de l’énergie . On en parlera dans LiberTerra

©Hélène Carion

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