Soutien à l’Ukraine – L’université de Caen se mobilise.

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La Normandie au cœur de la paix, son nom inscrit dans l’histoire de la Libération, celle au cri de la liberté délivrant les opprimés, celle gravant dans la pierre, sur la façade du Mémorial de Caen, « La douleur m’a brisée, la fraternité m’a relevée, de ma blessure a jailli un fleuve de liberté » – Paul Dorey. On se souvient avec émotion, on n’oublie pas ceux qui l’ont libéré. Aujourd’hui l’université de Caen, lieu de paix par excellence, donne tout son sens au Phénix, symbolisant la renaissance, en soutenant l’Ukraine. Le drapeau de l’Ukraine flotte dans le ciel au-dessus de l’université de Caen Normandie, aux côtés de celui de la France et de l’Europe, une voix unie pour la paix.

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Ce mot si simple, paix, qui prend toute sa dimension par la richesse qu’il signifie, la vie – sauver des vies, œuvrer pour la paix, accueillir des réfugiés, agir maintenant, l’université de Caen, son président, Lamri Adoui, unissent d’une voix les possibilités pour venir en aide au peuple ukrainien.

L’Université de Caen a mis en place un fond de soutien pour les étudiants réfugiés qui se trouvent en grande difficulté financière, choqués par la guerre, inquiets pour tous, ayant peur des graves conséquences de la guerre en Ukraine, dont les effets économiques se font dès à présent ressentir dans le monde entier.  Craignant aussi pour leur famille, ne sachant quand ils pourront revoir leurs proches, revenir en Ukraine.

L’université de Caen tient également à accueillir les chercheurs en exil par le biais du programme PAUSE du Collège de France, et étudie toutes les possibilités pour aider au mieux les victimes de ce drame sans précédent.

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Jeudi 17 mars, l’université de Caen Normandie et la Région Normandie, via Normandie pour la Paix, ont organisé une soirée de soutien pour l’Ukraine. Le chœur et l’orchestre universitaire régional – COUR, a participé à cet évènement en interprétant des musiques ukrainiennes. Une collecte de fonds a également été organisée par plusieurs associations étudiantes, dont un collectif d’étudiants ukrainiens, ainsi que par l’Association Les enfants de l’Ukraine. Les bénéfices de cette collecte ont été reversés à la Croix Rouge pour les populations en Ukraine et les réfugiés en Pologne et en Roumanie.

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Guerre en Ukraine – Entre Histoire et politique, un peuple en souffrance

Une table ronde s’est ouverte par l’émotion émanant du public, et des intervenants présents, enseignants-chercheurs spécialistes de la Russie et de l’ex-bloc soviétique. Une minute de silence en hommage aux victimes civiles, aux enfants, aux femmes, à cet femme enceinte et à son enfant n’ayant pas survécu aux bombardements de la maternité de Marioupol, ville dévastée par la guerre.

Une table ronde pour éclairer un espoir de paix  à la lumière de la connaissance de l’histoire, de la langue, de la géopolitique, de l’Ukraine et de la Russie, pour tenter de comprendre le déclenchement de la guerre en Ukraine, pour trouver des solutions pour établir une paix durable, pour ensemble retrouver le sens de nos sociétés en étant unis pour la paix.  

Mais, à travers la compréhension que nous pourrons acquérir au cours de cette soirée, nous devons prendre conscience que  rien ne pourra justifier d’éteindre une vie sous la poussière des bombes, d’éteindre le sourire de la paix rayonnant par l’innocence, par le sourire d’un enfant, par la naissance avant la renaissance, et naître en pleine guerre, sera la mémoire que des enfants porteront par le jour de leur naissance sous les bombardements.

La renaissance, cette vie nouvelle, la vie belle en résilience, et ces femmes qui chaque jour se lèvent, s’occupent de leurs enfants, leur chantent une berceuse dans cet absurde bruit des bombes éclatant dans des zones urbaines, ce chant des mères qu’est en Afghanistan, en Syrie, au Yémen et aujourd’hui près de nous, en Ukraine, c’est lui qui signifie la résistance, qui est la mesure par laquelle le coeur de la paix universelle vit et dont notre monde a besoin pour être plus juste, plus équitable, plus sûr, plus durable.

La paix qui sauve des vies et lorsque les chercheurs-enseignants présents à la table ronde s’expriment, c’est pour en premier cette parole de paix.

L’émotion, et sans elle, aucun savoir n’a de sens, la connaissance prend sa source dans le cœur de notre humanité, les enfants libres d’aller à l’école, et prendre conscience que cela n’est plus aujourd’hui en Ukraine. « J’ai une pensée pour tous ces petits enfants qui vont en sautillant à l’école et qui demain ne pourront pas le faire et ça c’est terrible », exprime avec émotion Boris Czerny, modérateur lors de la table ronde, et par ailleurs professeur de littérature et de civilisation russe à l’université de Caen Normandie.

L’UNICEF alerte que toutes les secondes, un enfant ukrainien devient un réfugié. Depuis le début du conflit, LiberTerra écrit : « Chaque seconde pour la paix compte » – La guerre prend tout, le temps devient cet espace où tout s’écroule et où l’appel à un cessez-le-feu immédiat, que l’ONU, l’Union européenne demandent, est cette seconde où la vie d’un enfant peut être sauvée. Éviter le pire, c’est possible, mettre fin à cette « guerre absurde » qui emprisonne, blesse et tue des civils, comme le soulignent les intervenants, est vital. Arrêter la guerre, la seule chose que les civils attendent à chaque seconde.

Arrêter la guerre – construire la paix

Antoine Arjakovsky, historien français, directeur de recherche au Collège des Bernardins à Paris, intervenant à la table ronde qui est celle de la connaissance, de sensibiliser sur le guerre qui s’abat sur l’Ukraine, exprime que c’est « Un honneur d’être invité,  d’apporter des éléments de réponse sur la guerre en Ukraine,  mais aussi une grande souffrance, parce que parler alors que l’on sait qu’en ce moment, il y a une ville comme Mariupole, de 400 000 habitants,  qui est encerclée, affamée, assoiffée, sans électricité, avec des maternités bombardées, c’est difficile de chercher à raisonner, à comprendre», mais ajoute-t-il, « nécessaire », il est nécessaire de parler, de ne pas laisser un silence régner.

L’absurde de la guerre, toute cette cruauté à l’égard de civils, restera incompréhensible.  La seule chose qui redonnera du sens à nos sociétés, c’est d’arrêter la guerre, les conflits armés, les attaques contre les civils.

Construire la paix entre l’Ukraine, la Russie et l’Union européenne

Réfléchir aux solutions pour instaurer une paix durable, Antoine Arjakovsky souligne qu’en 2019 a été rédigé un rapport de la commission Vérité, Justice et conciliation entre l’Union européenne, la Russie et l’Ukraine, sous la direction de l’historien et co-publié par le collège des Bernardins à Paris, intitulé « Quel plan de paix entre la Russie et l’Ukraine ? ». Ce rapport a établi 10 propositions pour la paix entre la Russie et l’Ukraine et a souligné, « Il existe encore aujourd’hui, (décembre 2019) une chance pour la paix entre la Russie et l’Ukraine, mais aussi par extension entre la Russie et le monde démocratique ».

Donner une chance à la paix de vivre, concrétiser cet appel par des actes forts, inédits pour que notre monde perdure et reviennent à notre mémoire les mots de Mandela, « Cela semble toujours impossible, jusqu’à ce qu’on le fasse ».

Les causes de la guerre par Antoine Arjakovsky

Antoine Arjakovsky explique que la guerre en Ukraine est « une guerre profonde, une guerre de civilisation entre ceux qui veulent revenir à l’homme soviétique, qui a marqué les mentalités à l’époque soviétique entre 1922 et 1991, et ceux qui, en Russie et en Ukraine, voulaient en sortir ». L’historien a rappelé l’événement de la place Maïdan à Kiev, appelé par ceux qui voulait sortir du soviétisme, « la révolution de la dignité », « L’homme digne face à l’homme soviétique » précise l’historien qui considère que le « conflit principal est là », et qu’il s’agit « un conflit de civilisation ». Un conflit qui selon l’historien ressemble à celui ayant opposé la France et l’Allemagne. À ce propos, le rapport évoque cette problématique et invite la communauté internationale à agir pour « empêcher que le conflit russo-ukrainien ne se transforme en conflit mondial comme ce fut le cas pour le conflit franco-allemand ».

Antoine Arjakovsky rappelle « Au même titre qu’entre la France et l’Allemagne, il y a eu l’Alsace, la Moselle et la Lorraine qui ont été combattues durement au point de provoquer deux guerres mondiales au 20ème siècle, et bien, entre la Russie et l’Ukraine, aujourd’hui, c’est la Crimée et le Donbass ».

La question actuelle serait, selon l’historien, « Peut-on sortir de l’Union soviétique ou doit-on y retourner ? », et souligne que Vladimir Poutine, le 24 février, « Est revenu à l’empire russe avant même l’Union soviétique ».

En 2014, « Les étudiants sur la place Maïdan, et ils étaient plusieurs millions pendant 3 mois, […] pour dire, « Nous sommes un état-nation libre, indépendant et nous voulons faire partie de la famille des nations européennes », rappelle l’historien, qui ajoute, « C’est ce que ne voulait pas la Fédération de Russie qui se voyait, elle, plutôt dans une logique impériale, anti-européenne ».

L’historien développe également la cause religieuse et indique comment Moscou se définit, « Moscou, c’est la troisième Rome ». L’historien explique la dimension « messianique » qui domine dans le sens politique russe. Le pouvoir russe, selon l’historien, envoie ce message « Nous sommes la troisième Rome et il n’y en aura pas de quatrième, nous apportons le salut non seulement à tous les peuples slaves, mais à la terre entière ». Un messianisme qui souligne Antoine Arjakovsky, « se retrouve dans les discours de Vladimir Poutine, et aussi du Patriarche Cyrille de Moscou », qui par ailleurs est un ancien du KGB.

L’historien met également l’accent sur la séparation de l’Église orthodoxe ukrainienne avec l’Église orthodoxe russe, par la division des Patriarches orthodoxes entre Moscou et Constantinople. L’Église ukrainienne reconnue indépendante le 11 octobre par Constantinople. Une autre voie est choisie que celle décidée par Moscou et sa volonté d’ériger l’Empire russe sous l’égide d’une seule Église orthodoxe dont l’image est portée par le Patriarche Cyrille, qui a déclaré le dimanche 27 février dernier, à la cathédrale du Christ-Sauveur-de-Moscou, « Que le seigneur protège la terre russe », ajoutant, « Une terre dont font partie aujourd’hui la Russie, l’Ukraine et la Biélorussie ». Son soutien inconditionnel à Vladimir Poutine, marque cette cause religieuse, cause profonde de la guerre en Ukraine, que Moscou considère comme acquise. La souffrance du peuple ukrainien, des bombardements dévastateurs dans des zones urbaines, tout semble apparaître aux yeux de Moscou comme un combat juste, légitime, alors que des vies innocentes périssent pour vouloir vivre en démocratie, pour vouloir que l’Ukraine soit unie avec l’Europe.

« Soigner ces causes » qui divisent, tel est également le but du rapport élaboré sous la direction d’Antoine Arjakovsky.  « Soigner » pour donner une chance à la paix de devenir le futur. 

L’historien évoque ainsi les quatre causes du conflit russo-ukrainien, qui apparaissent dès 2014, « La cause géopolitique, la cause de philosophie politique, la cause historiographique et la cause religieuse ». Des causes et solutions qui figurent dans le rapport, « Mais, nous n’avons pas été entendus », remarque Antoine Arjakovsky, qui souligne que rapport effectué a été remis à l’Élysée, « Mais, je ne sais pas ce qu’il est devenu ». 

2022 – Une urgence la paix 

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Les causes de la guerre, explique l’historien, c’est aussi la problématique fondamentale de l’eau potable, une eau précieuse sans laquelle rien n’est viable. Or, souligne Antoine Arjakovsky, « La Crimée ne pouvait pas fonctionner sans l’eau du Dniepr, or les Ukrainiens avait coupé le canal qui permet de détourner de l’eau du Dniepr, du plus grand fleuve ukrainien vers la Crimée ».

Une eau potable essentielle coupée à « 85 % des ressources en eau potable nécessaire à l’économie agricole de Crimée venait de ce canal », souligne l’historien. De ce fait, « la Crimée n’était pas viable », affirme Antoine Arjakovsky qui soulève également la problématique de « La non-reconnaissance internationale de l’annexion de la Crimée au mois de mars 2014 », « Aucun pays européen n’a reconnu l’annexion de la Crimée », ajoute l’historien qui assure que « ça ne pouvait pas continuer à fonctionner de la sorte ».

Puis, l’historien souligne « L’échec des Républiques auto-proclamées de Donetsk et Lougansk » où selon l’historien, il est une « économie mafieuse, de trafics »et où il se trouve« des prisons extrêmement dangereuses, où l’on pratique la torture » . Des régionsen échec économique, « où le niveau de vie baisse. » Une situation dramatique et « de plus en plus de gens fuyaient le Donbass », précise l’historien.

D’autre part, la pandémie de Covid a accéléré un mouvement de guerre en provoquant une aggravation d’un déséquilibre majeur, en marquant par la brutalité du décès de plus d’un million d’habitants en Russie en 2021. Une population peu vaccinée, et qui n’a aucune confiance dans les vaccins Spoutnik, comme il est aussi des Russes « qui n’ont aucune confiance dans l’État russe », précise Antoine Arjakovsky.

Les solutions pour permettre la paix établies dans le rapport, « Quel plan de paix entre la Russie et l’Ukraine ? »

Ce sont 40 propositions pour la paix qui ont été rédigées et Antoine Arjakovsky cite quatre d’entre elles durant la table ronde, dont « des sanctions contre le régime russe », qui doivent être « appliquées », exprime l’historien. Il est notamment les sanctions liées au domaine des technologies, citées dans l’article de LiberTerra « Ventes d’armes – les révélations de Disclose – Le chaos des guerres », et Antoine Arjakovsky, souligne le fait que « L’on sait qu’après 2014, Total et Technip ont développé des techniques de forage dans la région de Yamal pour exploiter le gaz russe ». Adopter des sanctions et aussi « vérifier que ces sanctions sont réellement mises en œuvre », souligne l’historien.

Des sanctions et un isolement de la Russie sont nécessaires, selon Antoine Arjakovsky, qui souligne le danger que représente le positionnement du pouvoir russe, en faisant peser une menace sur les centrales nucléaires d’Ukraine.

Puis, l’historien plaide pour l’intégration de l’Ukraine au sein de l’Union européenne et rappelle les propos des ukrainiens, « Si, vous ne nous intégrez pas, vous êtes les prochaines victimes. »

D’autre part, l’historien cite l’idée de « La prime à la démocratie » pour encourager les pays à développer des politiques soucieuses des droits humains, et pour éviter une guerre mondiale, en faisant des pays favorisant la démocratie,  ceux  inspirant également les démocrates russes qui pourront construire une Russie libre et en paix. 

Autres causes du conflit : l’histoire invoquée par Vladimir Poutine, pour qui l’Ukraine n’existe que depuis 1922, ainsi que la cause ecclésiastique, qui est la pierre angulaire sur laquelle repose la légitimité de la création de l’Empire russe, selon le Kremlin . Ces deux causes principales forment la philosophie politique avancée par Vladimir Poutine pour « réunifier de force » l’Ukraine et la Russie, indique l’historien, contre « l’Empire de l’Occident qui cherche à diviser ».

Pour contrer la vision , les affirmations de Poutine, construire, penser une « Église nouvelle et non impériale », souligne l’historien et rédiger un manuel d’histoire russo-ukrainien-européen « Qui permettrait d’apporter de la vérité, de la justice et de la paix », affirme Antoine Arjakovsky

Puis, « S’il y a une urgence réellement à penser dans les années à venir, ça va être le tribunal du communisme », déclare Antoine Arjakovsky, qui souligne que « Il y a eu un tribunal du nazisme, il n’y a pas eu de tribunal du communisme ». Puis, il indique, « En 1937, Staline a exécuté plus de 700 000 civils, la famine du Holodomor de 1932, 5 millions de morts ». Antoine Arjakovsky conclut par ces mots « Quand un crime n’est pas jugé, il se répète toujours ».

Regards croisés sur la guerre en Ukraine par la culture linguistique

Thierry Ruchot, Maître de conférences en linguistique et civilisation russe à l’université de Caen Normandie, évoque la « privation de sens » qui a suivi l’annonce de la guerre en Ukraine. Pour les enseignants de russe, « D’un seul coup, aller en cours devant nos étudiants semblait une tâche dénuée de sens », souligne-t-il. « Tout ce pourquoi nous avions consacré toutes ces années, à essayer de créer ce dialogue, tout cela semblait s’être effondré ».

« Retrouver le sens », condamner l’attaque de l’Ukraine, agir, notamment pour les étudiants ukrainiens, russes et biélorusses, avec une priorité « Éviter l’amalgame ». Agir, c’est aussi soutenir les étudiants réfugiés en souffrance et en difficultés financières. Des jeunes inquiets pour leur famille, qui ne savent quand ils pourront revoir leurs proches, rejoindre leur pays, et se posant des questions sur leur avenir, alors que le drame de la guerre frappe.

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Puis, dans son exposé, Thierry Ruchot revient sur les années 90 qui étaient porteuses d’espérances, d’innovations sous Gorbatchev, « Une gouvernance soviétique qui donnait plus d’importance au dialogue, à la communication, qui avait permis l’édition d’auteurs interdits ». Il était aussi l’espoir d’une rencontre avec l’Europe et l’Occident. Il était alors la conception « D’un monde uni, où le libéralisme, les relations capitalistes, seraient un monde totalement harmonieux », souligne M. Ruchot.

Cette période post-soviétique, « On s’attendait à un développement assez rapide, et les années 90 ont été vécues par les populations comme un chaos », rappelle Thierry Ruchot. « En Biélorussie, ce sont des coupures d’énergie en plein milieu de la journée », explique M. Ruchot. « Les magasins d’État étaient vides, et on voyait une nouvelle économie », celle arrivant par la Chine, la Turquie, l’Occident. M. Ruchot se souvient d’une élite russe qui pouvait s’enrichir, de la corruption, et d’une population divisée, des enseignants, médecins faisant partie des catégories écartées. Ainsi, la fin des années 90 demeurent au « chaos »

 Des années où sur le plan linguistique, des nouveaux médias voient le jour, de nouvelles possibilités d’expression, chaînes de télévision et l’État peut être critiqué, mais avec prudence.  Une innovation qui sous Vladimir Poutine va considérablement ralentir, « le ton va complètement changer », précise M. Ruchot. À cet exemple,  une marionnette à l’effigie de Poutine fait son apparition dans une émission de télévision, et la marionnette, comme l’émission, vont être supprimées. Pas de Guignols de l’info, donc !

À partir des années Poutine, « Les gens s’auto-censurent, font de l’humour, mais uniquement sur l’Occident », indique Thierry Ruchot. Puis, en 2014, arrivent dans une émission KVN, de nouvelles équipes, « L’équipe de l’armée, des parachutistes, de la police et aussi l’équipe du Cirque de Moscou, qui est un emblème soviétique », précise M. Ruchot.  Une formule abandonnée car le taux d’audience tombe, l’humour militariste n’a pas de succès auprès du public. 

Après les années 90 et de dureté économique, les années 2000 vivent un développement économique, qui permet à une classe moyenne de voyager, de découvrir l’Europe. Ainsi, une certaine aisance économique apparaît dans les classes moyennes, un enrichissement de certaines catégories de la population et le revers de la médaille fait qu’ une division va apparaître entre « Un courant occidentaliste et un courant slavophile », explique Thierry Ruchot.

Une division « Que l’on retrouve dans les débats linguistiques, entre une linguistique ouverte au dialogue, et une linguistique plus confidentielle, mais très influente en Russie, et qui s’est fondée sur la notion de spécificité culturelle », indique M. Ruchot. Une spécificité culturelle basée sur les concepts de nation, de la foi, « des concepts instrumentalisés par la linguistique », ainsi que « Toute une série de discours idéologiques », confie M. Ruchot. De fortes divisions, dénis persistent dans la population russe et chez les élites russes et forment une incompréhension et idée que l’extérieur ne peut pas comprendre la spécificité culturelle russe.

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Thierry Ruchot, explique que l’Ukrainien est une langue, comme il existe une langue Biélorusse. En Ukraine, il y des gens qui utilisent plus le russe au quotidien que l’Ukrainien, « les choses sont extrêmement complexes », indique l’enseignant en langue russe. On peut parler les deux langues, on peut parler l’Ukrainien, le russe, « Kiev, c’est particulièrement mêlé », précise M. Ruchot.

« C’est l’idéologie russe qui a rendu possible cette guerre », Galia Ackerman

Galia Ackerman, journaliste historienne, retrace la période dramatique de Staline, des « purges staliniennes », une période de répressions politiques. Elle souligne également l’interdiction de l’association « Memorial » qui œuvrait depuis plus 30 ans pour le travail de mémoire du Stalinisme et du goulag. Une association de renommée internationale et fondée par le dissident soviétique Andreï Sakharov, prix Nobel de la paix en 1975.  

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Une ONG emblématique dissoute par le pouvoir de Vladimir Poutine, Amnesty international souligne alors, « Une attaque directe contre les droits à la liberté d’expression et d’association ». Le Centre de défense des droits humains subit le même sort dès le lendemain du verdict prononcé le 28 décembre 2021.

« En fermant Memorial, les autorités russes piétinent la mémoire des millions de victimes du goulag », a déclaré Marie Struthers, directrice d’Amnesty international Europe et Asie centrale.

Pour Galia Ackerman, la dissolution de Memorial,  « Ce n’est absolument pas un hasard », « Poutine a décidé de jouer son veto ».  Par ailleurs, Galia Ackerman insiste sur le fait qu’après l’agression de l’Ukraine, « Si on n’arrive pas à arrêter Poutine, il pourrait s’attaquer à d’autres pays comme la Moldavie, la Géorgie et pourquoi pas les pays baltes ».  

Le projet impérialiste russe demandait de « revenir à une société verrouillée », explique-t-elle et la première mesure prise par Poutine a été « de s’emparer des chaînes de télévisions […] qui sont devenues les chaînes de l’État. » Par ailleurs, Galia Ackerman explique que les oligarques, dont on parle beaucoup aujourd’hui, sont en réalité une culture politique qui n’est plus,  » il n’y a plus d’oligarques en Russie. Ils sont partis depuis très longtemps. Les oligarques ne sont pas simplement des gens riches, ce sont des gens qui exercent une influence politique ». Aujourd’hui, auprès du pouvoir de Poutine, « Les oligarques sont des gens riches qui doivent leurs richesses essentiellement à Poutine et à ses largesses ».

D’autre part, l’historienne évoque le « durcissement de la politique étrangère » sous Poutine, et précise qu’en 2007, « Vladimir Poutine a prononcé un discours à Munich, qui a remis certaines revendications de la Russie sur le tapis ».

D’autre part, l’historienne tient à souligner qu’ une fois arrivé au pouvoir Poutine a déclaré que, « L’éclatement de l’union soviétique a été une des plus grandes catastrophes géopolitiques du 20ème siècle. » Ce que l’historienne considère être « une contrevérité ».

Concernant l’évolution de la société russe à partir de Poutine, Galia Ackerman relève un contrôle de la presse, une forte propagande, une réforme de l’armée russe en 2009 pour la rendre plus opérationnelle. Puis, dit-elle, « C’est en 2010 que se cristallise une nouvelle idéologie russe et une nouvelle identité russe qui est fondée entièrement sur la victoire dans la Seconde Guerre mondiale ».  La journaliste historienne souligne que « Les Russes ont réellement été les grands vainqueurs de cette guerre, bien sûr les Russes ont perdu énormément de population, aussi bien de militaires que de civils ». Et à partir de là, « On développe un véritable culte de la victoire », explique-t-elle. Le discours russe est, selon Galia Ackerman, « Nous avons vaincu les nazis. Les nazis ont été le plus grand mal du siècle et puisque nous les avons vaincus, nous sommes le plus grand bien du siècle, nous avons le droit moral à ce que tout le monde nous respecte, à ce que le monde fasse ce que nous voulons et de toute façon nous avons toujours gagné, nous sommes un peuple invincible ».

Par ce principe du bien contre le mal, est fait des « extrapolations », souligne Galia Ackerman, et par ce raisonnement, le pouvoir russe impose l’idée que la guerre ayant été gagnée sous la direction de Staline, « Staline ne peut pas être un assassin ». Pour arriver à cette conclusion de l’histoire, et faire de Staline un héros du bien, pour « rendre l’image toute blanche d’un grand conquérant », « Il faut réécrire l’histoire », précise l’historienne. Ainsi, « Ce que Poutine raconte aujourd’hui sur l’Ukraine, c’est la suite de la réécriture de l’histoire », explique Galia Ackerman.

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L’historienne évoque également l’histoire du « régiment immortel », titre de son essai –  puis, elle explique que le régiment immortel, « Ce sont des défilés, des manifestations qui sont organisés dans tous les pays », durant lesquels, « les gens sortent avec des portraits d’anciens combattants pendant la seconde guerre mondiale, pour créer une sorte d’union sacrée entre les morts qui sont au ciel et les vivants qui sont ici et qui ensemble forment le peuple éternel et invincible. » Par ailleurs, il y a une militarisation des enfants, précise l’historienne, qui souligne que des « enfants sont embrigadés à partir de l’âge de 8 ans et il leur est inculqué une idéologie totalement militarisée, et une idéologie de vainqueur ».

De plus Galia Ackerman, souligne l’importante propagande qui domine en Russie, et déclare, « Si un jour, il existe un Nuremberg de ce régime, je pense que les propagandistes qui animent ces émissions, devraient être jugés au même titre que les criminels de guerre, qui aujourd’hui font des crimes en Ukraine. » L’historienne souligne que « Tous les jours, il y a des talk-show pour que vous ayez toujours la possibilité d’entendre la bonne parole », et ajoute que depuis 2014, le principal sujet des talk-show, « C’était l’Ukraine, l’ennemi à abattre. » L’historienne explique la haine qui a été inculquée contre l’Ukraine présentée en même temps « comme un repaire de nazis, comme un pays qui n’a pas le droit à l’existence, comme un pays qui va mourir d’un jour à l’autre, parce qu’ils sont incapables de gouverner ».

Galia Ackerman souligne également que le régime de poutine est « réactionnaire et conservateur », et qu’il est des lois « très répressives contre l’homosexualité ». De plus, précise-t-elle, « La jonction entre ce régime et l’extrême droite en Europe, ce sont justement les questions sociétales ». Les droits LGBT + sont inexistants dans la société russe.  L’État que  Poutine construit, c’est que « Peu à peu toute liberté de réunion, de parole libre, tout cela n’existe plus ». Le mot « guerre » contre l’Ukraine est interdit, et deux médias qui cherchaient à garder leur indépendance, la radio l’Écho de Moscou, et la chaîne Dojd, qui a été classée en août 2021, comme « agent de l’étranger », et la radio interdite de couvrir la guerre en Ukraine, a décidé sa dissolution pour rester libre. Le rédacteur en chef risque d’être arrêté.

« Il y a une fuite massive, aujourd’hui, de la Russie de journalistes, de certains blogueurs, de collaborateurs d’ONG », explique l’historienne qui rappelle que la Russie a fermé Facebook, Instagram, et que le débit internet pour lire les vidéos a été ralenti.  « Les images que nous voyons des villes bombardées, détruites, des populations affamées, de morts de civils, de morts d’enfants, il y a plus de 100 enfants tués en Ukraine, tout cela les Russes ne le voient pas ». La population russe ne voit que « Ces odieux talk-show, où on parle encore de nazis ukrainiens. La nécessité de dénazifier l’Ukraine », souligne Galia Ackerman. « Nous assistons à la fermeture de la Russie » – et, « Certains pensent que ça pourrait se transformer en Corée du Nord, j’espère, non ».

« Je pense qu’il est nécessaire pour le monde libre, d’être très résolu de ne pas céder » concernant les sanctions contre la Russie, indique Galia Ackerman, qui conclut la soirée de soutien à l’Ukraine par cet appel, « C’est de notre fermeté que dépend comment cette folle aventure de Vladimir Poutine, folle et sanguinaire, va se terminer ». 

La réconciliation pour la paix 

Exposition Univesité Caen – Photo/@liberterradaily

L’indispensable réconciliation entre l’Ukraine, la Russie, l’Europe, l’Occident, non sur la base d’un capitalisme, mais toujours sur ce combat pour la liberté est nécessaire pour posséder un futur en paix. Par les chemins de la guerre, on entraîne invariablement son mouvement, comme un sens perpétuel donnant à la souffrance cette valeur de vivre. La liberté est-elle à la souffrance des cœurs, comme ne pouvant jamais être libérée, ne pouvant croire en la réalité de la liberté? Une liberté appartenant aux rêves d’enfants, à ceux envolés, par vers ce ciel, mais vers nos cœurs pour s’y poser, pour y vivre en une voix unie pour la paix. Ce trésor, y croire et ouvrir la porte qui le renferme, le cœur de notre humanité. 

« Quand nous avons de grands trésors sous les yeux, nous ne nous en apercevons jamais. Et, sais-tu pourquoi ? parce que les hommes ne croient pas aux trésors.  » Paulo Coelho. Mais, puisque l’homme connaît la souffrance, il sait que les trésors existent, il sait ce qui signifie leur disparition, cette souffrance intense et « Les cœurs n’aiment pas souffrir« , car ils vivent grâce à la liberté, et sans son souffle, ils sont cet enfant tué par les bombardements. Ils s’en font et partent vers ce ciel. Mais sans jamais s’éteindre, car ils sont notre mémoire collective, la paix. 

« Si je peux apprendre à déchiffrer ce langage qui se passe des mots, je parviendrai à déchiffrer le monde « . Écoute ton coeur ! 

© Fédora Hélène 

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