« Femme, vie, assassinée ! » Maître Maryam Meylan, la lumière contre l’obscurité, lauréate du Concours de plaidoiries

photo © LiberTerra 2023

Concours de plaidoiries des avocats – les droits de l’homme en lumière

Le concours de plaidoiries a ouvert sa 34ème édition au Mémorial de Caen, dimanche 12 mars. Une nouvelle édition sous l’égide « pour les droits de l’homme », et nommant Patrick Chauvel, grand reporter de guerre, président du jury. Un jury composé de treize membres, dont le Président de la Conférence des Bâtonniers, Bruno Blanquer, ainsi que la Bâtonnière de l’Ordre des avocats de Caen, Cindy Boudevin. C’est aussi la Présidente Commission Libertés et droits de l’homme, Conseil National des Barreaux, Laurence Roques, membre du jury, et Bertrand Favreau, Président de l’Institut des droits de l’homme des avocats européens.

Joël Bruneau, Maire de Caen et Président du Mémorial, membre du jury, a accueilli les 10 avocats sélectionnés, défenseurs des droits de l’homme.

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Droits de l’homme – Briser le silence

La parole délivrant le silence des grandes souffrances, les vies innocentes brisées par l’injustice. Et ces femmes, ces hommes venus plaider, et être les témoins de celles et ceux au loin, luttant pour la liberté dans ce silence imposé, les douleurs et deuils.

Des avocats donnant leur sincérité, la parole de leur cœur, tendant leurs mains vers nous tous, appelant plus qu’une écoute, être à notre tour, la voix protégeant les droits de l’homme, les témoins de notre humanité. Être ce nous, l’universalité de la paix qui prend sa naissance aux sons de nos paroles, à l’existence de nos actes.

La justice, cette émancipation de la liberté, celle qui nous fait cette promesse : un jour, il ne sera plus de plaider, car nous aurons vaincu les injustices, la cruauté, la violence, les peines et nos yeux ne verseront que des larmes de joie.

« Femme, vie, assassinées », plaidoirie de l’avocate iranienne, Maryam Meylan, deux fois primées au Concours de plaidoiries 2023

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Maître Maryam Meylan, lauréate, une plaidoirie au coeur de vie !

En mémoire de Masha Amini, une jeune femme iranienne de 22 ans tuée pour avoir porté des vêtements inappropriés, pour une mèche de cheveux dépassant, et « pour dire la sauvagerie partout dans le pays et dans le monde, les femmes ont symboliquement brûlé leur foulard et coupé leurs cheveux en public », rappelle Maître Maryam Meylan.

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Des femmes qui ont le courage de gagner « leur liberté et dignité perdues depuis quelques 44 ans », plaide Maître Maryam Meylan.

Couper une mèche de cheveux pour ne jamais oublier qu’une femme est morte pour une simple mèche dépassant du voile obligatoire. Le voile en mur contre la liberté, contre la vie de femmes, la police des mœurs surveillant, arrêtant, Masha Amini, « une semaine avant son anniversaire », rappelle l’avocate. « Son anniversaire, Masha, ne l’a jamais fêté ». Elle est décédée le 16 septembre 2022 à Téhéran. 

Aujourd’hui, ce sont « 512 existences envolées », « un nombre que chaque lever du soleil aggrave, ce qui plonge mon cœur d’Iranienne dans un profond chagrin », témoigne Maryam Meylan.

  

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Témoigner, une plaidoirie – Porter la voix de la paix et de la liberté en « citoyenne du monde » confie Maryam Meylan

« Je viens ici parler de la souffrance de l’humanité », exprime l’avocate iranienne, qui rappelle qu’elle est aussi, « citoyenne du monde ».

Tous unis, « toutes pour une et une pour toutes », l’avocate fait « ce choix du symbole ». 

Comme des femmes à travers le monde ont pu faire ce geste symbolique, un ciseau coupant leurs cheveux, pour ne jamais oublier. Une lutte pour vaincre la terreur, que jamais ne renaissent des cendres les violences que des hommes imposent au monde.

Le pire des régimes autoritaires s’impose en Iran

La politique peut-elle tout ? Peut-elle tuer des innocents, blesser des enfants, traumatiser des mères par l’atroce, tuer leur enfant ? Peut-elle violer des femmes, les enfermer en enfer, ne leur accorder que le suicide pour liberté ?

La politique au 21ème siècle serait-elle encore celle acceptant la déchirure, la fracture de notre humanité, ces pages d’histoires que les enfants apprendront, et où il sera écrit la cruauté d’hommes en chefs politiques, en oppresseurs, en tyrans et rien que la paix forte aux cœurs de femmes, criant : Femme Vie Liberté pour lutter contre la barbarie. 

Les enfants, demain, ouvriront leurs livres d’histoire et nous diront-ils : qu’avez-vous fait ? Quelle a été notre voix, la voix des gouvernements à travers le monde pour protéger la vie de femmes, d’enfants, d’hommes combattant à leurs côtés contre la tyrannie. 

Répondrons-nous alors les yeux fermés, rien qu’un silence ? Chacun selon ses moyens, soyons une voix pour les droits de l’homme.

Être une voix, c’est le choix des membres du jury, et du public présent au Mémorial. Une voix pour la liberté attribuant le prix du public et le prix du Mémorial et de la ville de Caen à Maître Maryam Meylan, barreau de Genève (Suisse) pour sa plaidoirie intitulée, « Femme, vie, assassinée ».

Maître Maryam Meylan, déclarant à la remise des deux prix remportés, « J’interprète ce prix, comme quoi la voix du peuple iranien a été entendue ».

« Femme, vie, assassinée ! »- l’Iran aujourd’hui

Un peuple en souffrance, « des enfants arrêtés jusqu’à dans leur école, dernier sanctuaire violé ». « Des jeunes plongés dans un coma dont jamais ils ne se réveilleront, des femmes tirées au sol par leurs cheveux, des prisons pleines des 19 000 rêveurs de liberté, des manifestants pacifiques visés à balles réelles, des corps sans vie jonchent les trottoirs, la main armée d’une simple pierre », dénonce Maryam Meylan. 

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Puis, elle évoque les victimes, comme cet enfant âgé de neuf ans « froidement abattu par des agents de sécurité sans cœur ». Des enfants, des femmes, des hommes sont victimes de l’horreur, de la haine s’abattant et tirant une balle en plein cœur de notre humanité. 

Nos communautés fraternelles, la solidarité internationale doivent être ce rayon de lumière des uns aux autres, cette main secourant, la justice proclamant les droits de la vie comme universels, et mettant fin « au monstre » violant, torturant, tuant.

« Le vendredi sanglant », « un kaléidoscope détraqué de l’horreur », est évoqué par l’avocate qui, avec force défend le peuple iranien, les manifestants pacifiques dont les droits humains sont violés. L’Iran, le peuple, le cœur de mères, de femmes, d’enfants, la justice – la vie « enceinte d’un chagrin inextinguible ».  

Un gouvernement « qui demande des exécutions sans clémence », oubliant que la République islamiste d’Iran est membre de l’ONU, souligne l’avocate.

En janvier 2023, l’ONU a réagi à la suite de l’arrestation arbitraire d’un travailleur humanitaire belge, M Vandecasteele, exprimant que « son droit à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial a été violé. Ce sont des violations flagrantes des obligations de l’Iran en vertu du droit international ». Le travailleur humanitaire a été arrêté le 24 février 2022 par des agents de sécurité iraniens, et détenu à la prison dramatiquement connue d’Evin. Il a été condamné à 28 ans de détention. 

Son état de santé a été constaté très préoccupant par des experts. Selon les rapports étudiés par les experts de l’ONU, Olivier Vandecasteele a perdu 15 kilos et de graves problèmes de santé se sont déclarés.

Accusés d’espionnage, ou de participer aux manifestations – l’ONU a alerté qu’en novembre 2022, la justice iranienne a informé que 40 ressortissants étrangers avaient été arrêtés pour participation aux manifestations.

Des milliers de personnes subissent l’atroce, ainsi Alireza Akbari, Irano-britannique, rapporte l’ONU, « aurait été torturé et maltraité, y compris en isolement cellulaire prolongé et forcé de faire de faux aveux ». Alireza Akbari a été condamné à mort pour « corruption sur terre et atteinte à la sécurité intérieure et extérieure du pays ».

En Iran, des avocats exercent au « péril de leur vie », alerte Maryam Meylan. « La négation absolue du métier d’avocat », témoigne l’avocate iranienne. L’Iran blessé, sans justice possible. Des avocats risquant d’être condamnés comme ceux qu’ils défendent, des avocats réduits au silence, une plaidoirie muette, les droits de l’homme interdits d’être, d’exister.

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Défendre les droits de l’homme, protéger une personne contre les injustices, protéger sa vie, sa liberté, est un privilège qui ne devrait pas en être un, mais un droit universel pour toutes et tous. 

Un droit fondamental qui n’est pas acquis à travers le monde. La justice est une chance pour notre humanité. Et, il est de lui donner notre cœur, notre sincérité, notre volonté de protéger les plus fragiles, de mettre fin aux violences. Cette ambition doit être la vocation de nos sociétés. Investir pour la paix, la concevoir pour ici, c’est la concevoir pour ailleurs et faire vivre la justice partout dans le monde.

Puis, Maryam Meylan évoque les prisons en Iran, « l’enfer de l’enfer, des mélodies atroces en échappent. La mélodie des pistolets électriques ». Des prisons où il y a la cruauté des violences sexuelles, les viols en arme destructrice contre des femmes. « Les témoignages confirment l’utilisation quasi systématique du viol dans les prisons », souligne-t-elle.

Des pilules contraceptives sont demandées par les filles à leur famille « pour éviter que l’horreur s’ajoute à l’épouvante ».  Maryam Meylan témoigne du désespoir de ces femmes dont nombreuses, « se sont suicidées après leur libération ».

Le viol est un crime, il tue. Le viol est un crime contre l’humanité. Il n’a qu’un but, détruire une vie. Il déshumanise une femme laissant tout son être entre la vie et la mort, traumatisé, un deuil sans fin. Un prédateur dresse en premier, la tombe de sa victime, ce qui pour lui symbolise la victoire de la négation.

Tout faire pour enterrer la révolution féminine, un régime politique sans aucune limite, il anéantit des vies innocentes, des vies libres.

« Face à cette sauvagerie que peut-on faire, que peut-on dire, que peut-on espérer ? » , ajoutant, « que peut-on faire pour ces femmes enfermées qui supplient de ne pas tomber enceinte de leur bourreau », demande Maryam Meylan à chacun d’entre nous, aux citoyennes et citoyens du monde.

L’avocate transmettant la parole de celles et ceux au silence des souffrances et exprimant, « soyons leur voix, soyons celles et ceux qui se lèvent et qui protestent ». Puis citant Malcom X, elle finit sa brillante plaidoirie, cette lumière contre l’obscurité,  « C’est le bulletin de vote ou la balle, la liberté ou la mort,  la liberté pour tous, ou la liberté pour personne ».

Lors de la remise du prix du Mémorial et de la ville de Caen, Patrick Chauvel a souligné la force de la plaidoirie de Maître Maryam Meylan, « Vous incarnez les femmes iraniennes ».

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Prix du Barreau de Caen

Ce prix a été attribué à Maître Stéphanie Saint Surin, Barreau de Port-au-Prince, Haïti, pour sa plaidoirie intitulée, « Ils se regardaient mourir ». 

Dix-sept détenus de janvier à 2022 sont décédés à la prison civile de Jacmel, au sud-est d’Haïti. Des détenus souffrant de malnutrition, de problèmes respiratoires. Maître Saint Surin a plaidé pour défendre les droits de l’homme, pour le respect de la dignité des êtres humains, du droit à la vie.

 Prix du Jeune Barreau de Caen

Un prix donné pour la plaidoirie défendant les migrants chassés des territoires, ainsi que les travailleurs agricoles haïtiens, intitulée « Esclave au paradis », de Maître Théodore Jean-Baptiste, Barreau de Paris. 

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Une journée pour plaider les droits de l’homme

Les 10 avocats venus plaider ont transmits une émotion, ont raconté une vie traversant la guerre, les injustices, les violences. Ils ont défendu les droits de l’homme, le respect à la dignité, le droit de vivre avec conviction, coeur et sincérité. Ils ont tout donné pour ce en quoi ils croient, la liberté.

Fédora Hélène

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